Le blog de Salmacis






Le con et le vit, dialogue


LE C...
Doucement, doucement...

LE V...
N'ayez point peur, je ne pose point à terre; je suis tout en l'air,

LE C...
Bon. C'est que si ma maîtresse s'éveillait, tout serait perdu.
La circonstance est favorable, elle a les cuisses écartées, la couverture est tombée dans la ruelle; je suis au bord du lit, le drap est relevé; la lampe est vis-à-vis de moi : avancez

LE V...
Me voilà.

LE C...
Ciel !

LE V...
Ah! Dieux!

LE C...
C'est donc là ce qu'on appelle un V... !

LE V...
Oui, cher petit C... d'Amour.

LE C...
Je mourais d'envie d'en voir un.

LE V...
Ce n'est rien de me voir, c'est tout de me sentir.

LE C...
Comme vous remuez! comme vous grandissez! Que c'est drôle!

LE v... (s'approchant.)
Si j'osais...

LE C...
Ne me touchez pas.

LE V...
Ô Nature !

LE C...
Les grosses veines!

LE V...
Le joli poil!

LE C...
Vous en avez aussi.

LE V...
Le dessus, le dessous, les environs... Il n'y a rien comme cela.

LE C...
Vous en dites, peut-être, autant au premier de mes semblables.

LE V...
Vous n'avez point de semblables; non, d'honneur.

LE C...
"D'honneur"! Quoi, vous connaissez ce monstre! Il me fait bougrement enrager, ainsi que je ne sais quels autres foutus mots de "sagesse", "devoir" et "vertu", que ma chienne de maîtresse a toujours à la bouche, viande creuse, dont je ne puis me repaître, moi.

LE V...
Que je vous aime de cette humeur! en parlant votre langue et la mienne, vous me donnez une liberté qui m'enchante, car je ne suis foutre que trop gêné de bander si roide, et de ne pouvoir que vous regarder... Gentil conaut! "Extase et décharge", c'est en effet ce qui nous convient, le reste nous est étranger...
Tutoyons-nous, mon charmant petit abricot; loin de nous ces compliments d'usage entre MM. les quarante; notre société de deux-à-deux ne recherche, ne savoure que le plaisir, et se fout de la cérémonie. Hélas! quand Hortense cessera-t-elle d'être dupe? Je m'aperçois heureusement qu'elle étend ses soins voluptueux jusqu'à toi. Je te flaire avec transport, je deviens dur comme fer à l'odeur suave que tu exhales.
Écoute! tu peux beaucoup sur cette âme rebelle : chaque fois que tu seras sur l'autel de la propreté, autrement le Bidet, ouvre à l'éponge tes lèvres vermeilles et sensibles, ainsi qu'au soufle caressant du zéphyr s'épanouit une rose : presse-les amoureusement contre la main qui les baigne et les essuie, tu comuniqueras à leur son corps tes douces agitations, tu ébranleras ses sens, tu y porteras tour à tour l'ivresse, l'égarement, l'incendie et le ravage. Il est essentiel de lui développer tous les miraculeux ressorts de ta céleste mécanique...
Foutre! entends-tu comme je te chante! Je ne suis pas le V... d'un sot; non, j'ai un feu extraordinaire, tel qu'un vigoureux coursier, je bondis et j'écume en ta présence.

LE C...
Parle donc plus bas; ma maîtresse vient de soupirer.

LE V...
Je la ferais soupirer bien autrement, de par tous les diables.

LE C...
Ta vue et tes paroles me brûlent, me sèchent.

LE V...
Attends, que je te rafraîchisse, que je t'humecte un peu...

LE C...
Ouf!... tu ne pourras jamais... Haye!... ah! ah! ah!... ouf!... arrête... rien qu'à l'entrée, je t'en prie... là... ah!... ah!... comme un ange.

ENSEMBLE:

LE C... 
Ah!... ah!.., ah!... ah!...
Ah!... ah!... délicieux!
Ah... ah!... je meurs.
Ah!................ah!
LE V ...
Oh!... oh!... oh!... oh!.
Oh!... oh!... ah! foutre!
oh!... oh!.., divin!...
Ah!... ah!... ah!

LE V... (après une longue respiration de part et d'autre.)
Eh bien?

LE C...
C'est ravissant!

LE V...
Ce n'est pourtant qu'une ébauche de la jouissance.

LE C...
Elle a fait impression sur ma maîtresse, qui vraisemblablement la prendra pour un rêve, et un rêve de cette sorte conduit quelquefois à la réalité.
Que ton maître continue ses visites, qu'il règle constamment ses goûts sur les siens, qu'il la sollicite à propos; je me charge du reste : mais point d'infidélités.

LE V...
Que je perde mes couilles (ce sont ces boulettes que tu vois) si dorénavant je vas et viens autre part que dans cette petite niche.
Hortense a, dit-on, de l'esprit, des grâces, enfin toutes les pretintailles qui touchent au coeur;
Dorante n'est pas mal pourvu de ces jolies drogues, à en juger par l'exercice qu'il me donnait avant de la connaître; il a renoncé à toutes les femmes pour elle; s'il a le bonheur de triompher de celle-ci, tu sentiras, pour parler comme lui, quel charme le consentement de la personne qu'on aime ajoute au plaisir.

LE C...
Je n'en aurais, toute ma vie, d'autres que celui que je viens de goûter, qu'il me suffirait.

LE V...
Je ne dis point cela.

LE C...
On s'agite, on se retourne, la pointe du jour paraît; retire-toi.

LE V...
Autant la mort. Je suis fâché, à cette heure, d'être venu... Le beau petit portail...

LE C...
Allons, va-t'en. Adieu, mon joujou.

LE V...
Adieu, ma motte.

LE C...
Adieu, mon lingot.

LE V...
Adieu, ma toison.

LE C...
Au revoir, mon grand coquin.

LE V...
Petit Jean-Foutre! Je t'avalerai si j'avais une bouche... Adieu mon rat.

LE C...
Adieu ma queue.






L'Arétin françois (François-Félix Nogaret) :
 "Les Epices de Vénus" 1787














Illustrations: Antoine Borel et Toyen


Sam 21 jun 2008 2 commentaires
AAAhhh ! c'est superbe ! hmmm...un régal.
Claire - le 21/06/2008 à 07h37

Surtout pour eux lol

Salmacis
J'ai cherché, et j'ai trouvé certaines petites choses de cet auteur. Tu verras, même si tu connais sans doute déjà. Moi je ne connaissais pas du tout. Merci pour la découverte. ;-)
Claire - le 21/06/2008 à 21h19