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  • : Dans la mythologie grecque, Salmacis est une naïade. Alors qu'Hermaphrodite se baigne dans une source de Carie, Salmacis, nymphe de la source, s'éprend de lui. Ne pouvant se contenir, elle étreint le jeune homme contre elle, et supplie les dieux d'être unie à lui pour toujours. Son vœu est exaucé et tous deux ne forment plus qu'un seul être, bisexué, à la fois mâle et femelle. Sa tentative de viol sur Hermaphrodite constitue un cas unique pour une nymphe grecque.
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Lettre d'Artaud à Anaïs Nin de 14 ou 15 juin 1933

J'ai amené beaucoup de gens, hommes et femmes devant la merveilleuse toile, mais c'est la première fois que j'ai vu une émotion artistique toucher un être et le faire palpiter comme l'amour.
Vos sens ont tremblé, et je me suis rendu compte qu'en vous le corps et l'esprit étaient formidablement liés, puisqu'une pure impression spirituelle pouvait déchaîner dans votre organisme un orage aussi puissant.
Mais dans ce mariage insolite c'est l'esprit qui a le pas sur le corps, et le domine, et il doit finir par le dominer en tout.
Je sens en vous un monde de choses qui ne demandent qu'à naître si elles trouvent leur exorciste.
Vous-même n'en avez pas entièrement conscience mais vous les appelez de tout votre esprit, et surtout de tous vos sens, vos sens de femme qui chez vous sont aussi de l'esprit.
Etant ce que vous êtes, vous devez comprendre la grande joie douloureuse, et même la stupéfaction que j'éprouve à vous avoir ainsi rencontrée : d'un coup je vois comblée, exactement, hermétiquement remplie (dans tous les sens) ma solitude sentimentale infinie, et remplie d'une manière qui m'effraye, le destin m'apporte et au delà tout ce que j'ai pu rêver, souhaiter, tout ce que j'ai pu désespérer d'avoir ; et comme tout ce que la destinée apporte, tout ce qui est inéluctable, et voulu dans le ciel, cela vient envers et contre tout, sans une hésitation, spontanément, tout de suite, sans un recul, beau à faire peur ! A me faire croire que les miracles sont de ce monde, si je ne pensais pas que ni vous ni moi ne sommes tout à fait de ce monde, et c'est cela cette rencontre trop parfaite qui me stupéfie et m'affecte comme une douleur.
Et puis il y a aussi ce fait, que mon esprit, ma vie sont une série d'illuminations et d'éclipses et ces éclipses qui jouent en moi jouent également autour de moi sur tout ce que je touche, et je ne peux pas ne pas être pour qui m'approche une perpétuelle déception.
Vous avez pu voir déjà que là où sur certains points j'ai des intuitions, des sortes de révélations fulgurantes, sur d'autres je ne suis que ténèbres et idioties, les choses les plus simples m'échappent et il faut une compréhension d'une subtilité rare pour admettre, pour accepter ce mélange, lorsque ces ténèbres affectent les sentiments qu'on est en droit d'attendre de moi.
Plusieurs choses nous rapprochent terriblement, mais une surtout : notre silence.
Vous avez le même silence que moi. Et vous êtes la seule personne devant qui mon propre silence ne m'ait pas gêné. Vous avez un silence véhément où l'on dirait que l'on sent passer des essences, je le sens étrangement vivant, comme une trappe ouverte sur un gouffre, où l'on sentirait le murmure silencieux et secret de la terre. Il n'y a pas de poésie inutile et fabriquée dans tout ce que je vous raconte, d'ailleurs vous le sentez bien. Je veux traduire des impressions fortes, des impressions réelles que j'ai eues mais concernant des choses que l'on ne dit pas d'habitude. Sur le quai de gare quand je vous ai dit : nous sommes comme deux âmes perdues dans des espaces infinis, j'avais senti passer ce silence mouvant qui me parlait et aurait été capable de me faire sangloter de joie.
Vous me mettez en face du meilleur et du plus terrible de moi-même, et devant vous seulement je sens que je puis ne pas en avoir honte, je veux de vous des étreintes violentes, je veux entrer en vous, reposer en vous, et que l'on sente cette vibration pleine, vous et moi, cette vibration qui fait venir au jour les choses de l'esprit.
Avec vous seulement une étreinte peut ne pas être inutile, mettre en contact des magnétismes contraires et qui s'allient, établir un cycle parfait.
Bien qu'habitant le même domaine, vous pouvez me donner tout ce qui me manque, être mon complément.
Si nos esprits aiment les mêmes images, souhaitent les mêmes formes, les mêmes apparitions, physiquement, organiquement, vous êtes le chaud, alors que je suis le froid, la chose ondoyante, souple, voluptueuse, caressante, alors que je suis le dur silex, la végétation calcinée et fossile, l'obsidienne, le dur minéral.
Une nécessité violente et qui nous dépasse vous et moi, vous a poussée vers moi, vous en avez eu immédiatement conscience, vous avez vu les formidables ressemblances, senti le bien que je pouvais vous faire, et celui que vous étiez destinée à me faire, mais de même que je suis par moments aveugle, j'ai peur que la destinée vous aussi vous aveugle, que vous perdiez brusquement le contact avec toutes ces découvertes, avec cette vie qui doit faire mon émerveillement, j'ai peur pour tout dire que votre corps tout à coup vous entraîne et fasse que vous ne me reconnaissiez plus, ou que dans une de ces périodes où je suis moi séparé de moi, la déception que vous en éprouverez fasse que vous cessiez de me reconnaître et que je vous perde, que je vous reperde tout à fait.
Quelque chose de merveilleux ne fait que commencer qui peut remplir une vie tout entière, je vous dis cela avec toute la sincérité de mon âme, tout le sérieux et toute la gravité dont je suis capable, depuis huit jours, il y aura huit jours demain que j'ai senti ma vie radicalement transformée et hier a été la consécration matérielle de cette radicale transformation.
Ecrivez-moi, écrivez-moi une lettre humaine, complète où vous me direz le prix que vous attachez à notre union, et les raisons pour lesquelles vous disiez avoir à vous méfier de moi sur un certain plan.
Quand je vous demande de me détailler le prix de notre union je veux vous amener à faire vivre devant moi des images, des images où je sente notre propre vie. J'ai depuis hier le goût d'une bouche de femme qui me poursuit, mais comme une idée, comme une essence. Ce goût n'est pas une chose du corps, il me montre à nu le sens même d'une âme, il m'apprend des tas de choses sur toute une vie secrète, et que sans lui je ne connaîtrai pas.
J'ai un nom que ma mère m'a donné quand j'avais quatre ans et dont mes intimes m'appellent : Nanaqui.
Celui-là aussi me décrit dans mon innocence et dans le plus pur de ma vie.
Nanaqui.

Journal d'Anaïs Nin




Par Salmacis - Publié dans : Poésie
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