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  • : Dans la mythologie grecque, Salmacis est une naïade. Alors qu'Hermaphrodite se baigne dans une source de Carie, Salmacis, nymphe de la source, s'éprend de lui. Ne pouvant se contenir, elle étreint le jeune homme contre elle, et supplie les dieux d'être unie à lui pour toujours. Son vœu est exaucé et tous deux ne forment plus qu'un seul être, bisexué, à la fois mâle et femelle. Sa tentative de viol sur Hermaphrodite constitue un cas unique pour une nymphe grecque.
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Jeudi 8 mai 4 08 /05 /Mai 19:57


Le Con d'Irène - Louis Aragon
Chapitre 8

 
        Si petit et si grand! C’est ici que tu es à ton aise, homme enfin digne de ton nom, c’est ici que tu te retrouves à l’échelle de tes désirs.

Ce lieu, ne crains pas d’en approcher ta figure, et déjà ta langue, la bavarde, ne tient plus en place, ce lieu de délice et d’ombre, ce patio d’ardeur, dans ses limites nacrées, la belle image du pessimisme.

Ô fente, fente humide et douce, cher abîme vertigineux. 

  C'est dans ce sillage humain que les navires enfin perdus, leur machinerie désormais inutilisable, revenant à l'enfance des voyages, dressent à un mât de fortune la voilure du désespoir.

Entre les poils frisés comme la chair est belle sous cette broderie bien partagée par la hache amoureuse, amoureusement la peau apparaît pure, écumeuse, lactée.

Et les plis joints d'abord des grandes lèvres bâillent.

Charmantes lèvres, votre bouche est pareille à celle d'un visage qui se penche sur un dormeur, non pas transverse et parallèle à toutes les bouches du monde, mais fine et longue, et cruciale aux lèvres parleuses qui la tentent dans leur silence, prête à un long baiser ponctuel, lèvres adorables qui avez su donner aux baisers un sens nouveau et terrible, un sens à jamais perverti.

 Que j'aime voir un con rebondir.

  Comme il se tend vers nos yeux, comme il bombe, attirant et gonflé, avec sa chevelure d’où sort, pareil aux trois déesses nues au-dessus des arbres du Mont Ida, l’éclat incomparable du ventre et des deux cuisses.

Touchez mais touchez donc vous ne sauriez faire un meilleur emploi de vos mains.

Touchez ce sourire voluptueux, dessinez de vos doigts l’hiatus ravissant.

Là que vos deux paumes immobiles, vos phalanges éprises à cette courbe avancée se joignent vers le point le plus dur, le meilleur, qui soulève l’ogive sainte à son sommet, ô mon église.  

  Ne bougez plus, restez, et maintenant avec deux pouces caresseurs, profitez de la bonne volonté de cette enfant lassée, enfoncez, avec vos deux pouces caresseurs écartez doucement, plus doucement, les belles lèvres, avec vos deux pouces caresseurs, vos deux pouces.

Et maintenant, salut à toi, palais rose, écrin pâle, alcôve un peu défaite par la joie grave de l’amour, vulve dans son ampleur à l’instant apparue.

Sous le satin griffé de l’aurore, la couleur de l’été quand on ferme les yeux.

 Ce n’est pas pour rien, ni hasard ni préméditation, mais par ce BONHEUR d’expression qui est pareil à la jouissance, à la chute, à l’abolition de l’être au milieu du foutre lâché, que ces petites soeurs des grandes lèvres ont reçu comme une bénédiction céleste le nom de nymphes qui leur va comme un gant.

Nymphes au bord des vasques, au coeur des eaux jaillissantes, nymphes dont l’incarnat se joue à la margelle d’ombre, plus variables que le vent, à peine une ondulation gracieuse chez Irène, et chez mille autres mille effets découpés, déchirés, dentelles de l’amour, nymphes qui vous joignez sur un noeud de plaisir, et c’est le bouton adorable qui frémit du regard qui se pose sur lui, le bouton que j’effleure à peine que tout change.

Et le ciel devient pur, et le corps est plus blanc.

Manions-le, cet avertisseur d’incendie.

Déjà une fine sueur perle la chair à l’horizon de mes désirs.

Déjà les caravanes du spasme apparaissent dans le lointain des sables. 

Ils ont marché, ces voyageurs, portant la poudre en poire, et les pacotilles dans des caisses aux clous rouillés, depuis les villes des terrasses et les longs chemins d’eaux qu’endiguent les docks noirs.

Ils ont dépassé les montagnes. Les voici dans leurs manteaux rayés. Voyageurs, voyageurs, votre douce fatigue est pareille à la nuit. Les chameaux les suivent, porteurs de denrées. Le guide agite son bâton, et le simoun se lève de terre, Irène se souvient soudain de l’ouragan.

Le mirage apparaît, et ses belles fontaines... Le mirage est assis tout nu dans le vent pur.

Beau mirage membré comme un marteau-pilon.

Beau mirage de l’homme entrant dans la moniche.

Beau mirage de source et de fruits lourds fondant.

Voici les voyageurs fous à frotter leurs lèvres.

Irène est comme une arche au-dessus de la mer.

Je n’ai pas bu depuis cent jours, et les soupirs me désaltèrent.

Han, han. Irène appelle son amant. Son amant qui bande à distance.

Han, han. Irène agonise et se tord. Il bande comme un dieu au-dessus de l’abîme.

Elle bouge, il la fuit, elle bouge et se tend.

Han. L’oasis se penche avec ses hautes palmes.

Voyageurs vos burnous tournent dans les sablons.

Irène à se briser halète. Il la contemple.

Le con est embué par l’attente du vit. Sur le chott illusoire, une ombre de gazelle...

  Enfer, que tes damnés se branlent, Irène a déchargé.

 

 







La Défense de l'infini est le titre d'un grand roman auquel Aragon travaillait entre 1923 et 1927 et dont il brûla - à l'en croire - la plus grande partie en 1927, à Madrid. D'après ses dires tardifs, ce roman était conçu comme une oeuvre monumentale faisant agir cent personnages différents. Un certain nombre de fragments a survécu, dont quelques-uns ont été publiés par Aragon lui-même, tandis que le reste a été édité après la mort du romancier.

Le récit "Le Con d'Irène" qui devait faire partie de ce roman parut séparément et "sous le manteau", en 1928. Cette édition, anonyme, était accompagnée de dessins érotiques d'André Masson.

Lorsque, en 1968, Régine Deforges choisit de rééditer ce conte anonyme (sous le titre abrégé et par là édulcoré d'Irène), le livre fut saisi sous le prétexte qu'il était interdit de publier un ouvrage sans indication du nom d'auteur.

Le livre ne put être vendu qu'après l'ajout d'un pseudonyme: "Albert de Routisie".

En public, Aragon n'a jamais reconnu être l'auteur du "Con d'Irène", mais il l'a admis en privé.

Par Salmacis - Publié dans : Textes
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